Comportementalistes en safari!
Voilà le défi que le Parc Safari avait lancé à nos valeureux comportementalistes. Nadine Caron, Yanick Dion et Patrice Robert , qui d’une seule voix ont accepté de relever !
Leur mandat : Voir au bien-être psychologique de ces fauves … en captivité. Cette approche implique l’enrichissement comportemental, l’entraînement et les soins de base tout en préservant et respectant l’inné de ces bêtes sauvages.
Les entraîner afin qu’elles puissent tolérer le contact avec le public (pour prendre des photos) et à l’occasion servir à la promotion des espèces en voie de disparition, un beau défi pour mettre leurs connaissances à l’épreuve ! Quelques années plus tard Nadine dresse le bilan de son expérience inoubliable !
Aussi professionnel qu’ait pu être notre travail au Parc Safari entre autre par ses grandes responsabilités, l’aspect le plus gratifiant de notre implication demeure pour moi d’avoir eu l’opportunité et le bonheur de côtoyer et d’établir un contact voire un lien privilégié avec ces animaux de la faune. Ainsi l’immense sentiment de fierté que je ressentais lorsque Litah me laissait partager la hutte comme si je faisais partie de son clan (me semblait-il), était indescriptible 🙂
Durant notre séjour les questions les plus fréquemment demandées par un public intéressé et totalement sous le charme de nos fauves:
Est-ce qu’ils mordent? “Oh que oui ! Particulièrement les tigres, en partie à cause de leur grande réactivité. Je peux en témoigner ! D’ailleurs j’aurais difficilement pu nier, les traces des dites morsures étant parfaitement visibles. La plus douloureuse, sur un doigt alors que par manque d’expérience, je me suis retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment, je m’explique : Lors d’un festival à Montréal, je devais installer les tigres dans ce qui allait être leur enclos pour la journée. J ‘aurais alors dû n’y mettre les tigres qu’une fois l’enclos installé et surtout ne pas y être, mais comme j’avais l’habitude de passer tout mon temps dans la hutte avec eux, j’ai cru bon de les accompagner dans l’enclos, erreur! Ils se retrouvaient dans un nouvel environnement avec des repères et des capacités d’adaptation plutôt restreints chez les félins et subissaient donc un stress important, faisant en sorte que j’ai surtout servie, disons, d’exutoire à ce stress ! Il va sans dire que dans ce genre de contexte, on doit être vigilant et exercer une surveillance de tous les instants sur nos félins dépaysés. Un prédateur en devenir est imprévisible de part la rapidité par laquelle son comportement est déclenché.”
Sont-ils méchants ? “Non bien entendu. Je crois que la méchanceté, est une chose qui appartient à l’humain et que même si un tigre ou un lion a envie de dévorer un enfant il ne s’agit là que de l’instinct de prédation et non de méchanceté donc, disons qu’ils pourraient être dangereux dans certaines circonstances, mais jamais méchants.”
Jusqu’à quel âge pourrez-vous continuer à prendre des photos avec eux ? “Jusqu’à ce qu’on ne puisse plus être sur de la sécurité entourant ces sessions de photos. Disons que vers la fin de la saison ce sont plutôt les circonstances qui variaient, je faisais prendre les photos surtout quand Litah était en période de repos ou même de sommeil. J’aurais bien aimé croire qu’il serait possible de continuer encore longtemps (après la saison) dans des circonstances idéales, c’est à dire plus de temps consacré à l’entraînement et des horaires de sessions de photos bien établis, peut-être et encore là, seule l’expérimentation et l’observation auraient pu nous le dire. En fait, les gens qui les voyaient à des moments différents de la journée n’en revenaient tout simplement pas de leur différence comportementale, par exemple, pour si pour une raison inconnue la lionne nous était amenée le matin avec l’estomac vide, son niveau d’excitabilité était à son comble et la prise de photo à cet instant était à mon avis considérée comme un sport extrême. Tandis qu’à l’heure de la sieste, certains croyaient que nous utilisions des tranquillisants, nous avions alors affaire à de véritables pantoufles.”
Les fauves sont-ils malheureux en captivité ? “Il ne faut pas oublier que la plupart des animaux des zoos y sont nés, n’ont donc jamais connu autre chose que la captivité ce qui était bien sur le cas de nos petits chats. Le plus important, est bien sur de respecter l’inné de ces bêtes sauvages; par exemple un animal qui vit en groupe , supporterait probablement bien mal la solitude et cela passe par l’enrichissement de milieu, qui entre autre fait en sorte que l’animal sera toujours stimulé. Par exemple si l’on sait que le tigre apprécie l’eau et qu’il est un prédateur, le fait d’intégrer un bassin d’eau et de simuler un peu la chasse en installant un petit circuit viande cru sur corde qui bouge risque fort de le stimuler. Encore faut-il que les zoos comprennent l’importance de ces stimulis et les appliquent, mais en ce sens il y a eu et il y a encore des améliorations à apporter. Nos deux tigres et notre lionne quand à eux ne manquaient aucunement de stimulation, puisqu’ils passaient leurs grandes journées avec nous. Je ne suis pas convaincue que la vie en savane soit des plus agréable, car d’avoir à se battre pour un territoire ou chasser souvent sans succès pour se nourrir ou nourrir les petits comporte aussi son lot de difficultés et de stress. Règle générale on peut dire que les espèces qui se reproduisent en captivité se sont très bien adaptées à ce régime de vie.”
En conclusion “Je dirais que notre approche et connaissances n’ont cessées d’évoluer tout au long de cet été tout spécial; reconnaître les stades de croissance par lesquels nos petits chatons passent, que ce soit du sevrage à l’éveil des séquences de prédation ont été révélateurs. Une expérience plus qu’ enrichissante ne serait-ce que pour la promiscuité de nos rapports avec ces attachantes et impressionnantes bêtes qui nous ont permis de multiples observations. En fait notre mandat de comportementalistes s’est résumé en une adaptation de part et d’autre où il n’y a eu aucun problème, que des solutions et dois-je le souligner, une expérience inoubliable !”